Elie Lokwa : Interview à la radio Sahara Mbandaka. Transition sans Kabila

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Interview de la radio Sahara Mbandaka  adressée à Élie Lokwa un analyste indépendant, point focal du collectif d’action de la société civile et militant de la lucha dans la province de l’Equateur.

Comment analysez-vous le processus électoral ?

En analysant froidement l’évolution du processus électoral, totalement géré dans l’opacité et visiblement torpillé par le tandem CENI-FCC, je suis tenté de croire, à moins d’être contredit preuves à l’appui, que comme en 2016 et 2017, le pouvoir de Kinshasa, qui n’a manifestement pas renoncé à sa soif insatiable de se maintenir indéfiniment en violation des lois de la République, n’a ni l’intention ni la volonté d’organiser les élections.

Sur base de quelle métaphysique qu’il se maintiendra au pouvoir dès lors que le Dauphin est là ? :

Il compte entre autres sur la baisse de la pression intérieure et internationale à la suite de l’annonce du dauphin pour trouver de nouveaux prétextes au report éventuel et à ce jour quasi certain. En 2016, ses chantres avaient accusé tout le monde de lui faire un procès d’intention. La suite, on la connaît. C’est le même scénario qui est prêt et qui n’attend que le jour J pour être exécuté.

En faisant des élections une question exclusive de souveraineté nationale, le pouvoir a voulu faire main basse sur le processus et se parer contre toute protestation qui viendrait de l’étranger en cas d’un éventuel report dont il n’a pas fini de réunir les alibis.

Pourquoi faites des préjugés pendant que la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) nous rassure qu’elle est prête en tout?

Tenez :

Le Gouvernement congolais a prévu de mettre à la disposition de la CENI 432 millions de dollars pour l’organisation des élections en une seule séquence mais jusqu’à présent 29% de financement. Alors que la CENI prévoit 102.000 machines à voter mais aujourd’hui il n’y a que 35.000, et aussi  sans préciser ni la date de commande ni celle de livraison et au titre d’appui logistique : 7 hélicoptères, 3 Boeing 727, 160 camions 6×6, 1 Antonov 72, 1 DC 8 et 180 Pick-up 4×4. A moins d’être vendus dans les magasins et boutiques de Kinshasa ou de Lubumbashi, ces avions, camions et jeeps nécessitent, pour leur achat et livraison, minimum deux ans. Puis, il faut les doter des pièces de rechange, de fuel et de lubrifiants, en plus de leur déploiement sur terrain. Or à ce jour, les appels d’offre n’ont pas encore été lancés et à moins de 200 jours des probables élections, la CENI réaffirme à qui veut l’entendre, qu’elle sera prête le 23 décembre 2018 ! Faux. On n’achète pas un avion comme on se procure un vélo au coin de la rue !

Pour qui le tandem CENI-FCC ( Front Commun pour le Congo) prend-il les congolais ?

Il attend le moment venu pour évoquer le retard de livraison de ces hypothétiques engins roulants et volants (dont on ne connaît pas le coût) pour justifier un éventuel report !

Mais le chef de l’état a donné sa position ?

Faisant ses adieux en tant responsable du régime de l’opprobre, il s’adressait à ses pairs de la SADC (Communauté du Développement de l’Afrique Australe) la semaine dernière à Windhoek, Joseph Kabila a réitéré et insisté sur l’engagement du Gouvernement de la RDC de financer seul, au nom de la souveraineté nationale, le processus électoral et la SADC a pris acte dans son communiqué final. Le refus de l’appui de la SADC vient après celui de la MONUSCO et des autres partenaires de la RDC. Avec un budget de plus de 400 millions tel qu’arrêté par la CENI, non compris la logistique aérienne et terrestre précitée, le pouvoir sait très bien qu’il en a les moyens mais pas la volonté. Loin d’être un simple caprice d’enfant, derrière la rhétorique souverainiste se cache un stratagème de justifier le report sur fond de pseudo-difficultés de la trésorerie nationale. Joseph Kabila n’a-t-il pas répété à maintes reprises que « les élections coûtent plus cher que le développement ! ».

Le tandem CENI-FCC a déjà compris que personne ne veut de la machine à voter, bien qu’elle fasse partie des alibis du report. Il attend le moment opportun pour prétendre la retirer et justifier ainsi un report éventuel. C’est ce qui se trame et nous le savons. Ils espèrent faire du retrait de la fameuse machine une concession avec, en contrepartie, le report des élections. Il en est de même du nettoyage du fichier électoral.

Quelle est ta lecture sur Shadari? :

La présentation de Shadari comme dauphin né d’un pouvoir de liberticide n’a été qu’une opération de communication démagogique et non une réelle expression de la volonté de quitter le pouvoir. Preuve ? Joseph Kabila maintient plus lourde qu’avant, sa mainmise sur le processus électoral censé aboutir à son départ du pouvoir ! Ce qui conforte la thèse selon laquelle le dauphin est juste une réponse à tous ceux qui ont payé de leurs vies pour l’empêcher de briguer un 3ème mandat. Mais l’intention demeure, celle de conserver le pouvoir même sans élections ; quitte à aller de report en report.

Quelle alternative proposez-vous?

Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, à moins d’un miracle, il faut impérativement une transition sans Kabila (TSK),  je suis tenté d’affirmer que le pouvoir de Kinshasa n’est pas prêt à organiser les élections. Et il ne le sera peut-être jamais. Le calendrier électoral était une réponse à la pression américaine lors de la visite de Nikki Halley. Le dauphin, une réponse aux immenses sacrifices consentis et aux humiliations subies par notre peuple. Le dépôt des candidatures comme leur validation ne garantit en rien la tenue des élections. Le chemin est encore long. La lutte ne fait que commencer. Le pouvoir de Kinshasa n’est pas disposé à organiser les élections, pas plus que Joseph Kabila à quitter le pouvoir !

La transition sans Kabila avec pour motif de mettre en place des personnalités de la société civile, crédibles et digne avec de probité scientifique de nature à laisser des leçon à la jeunesse en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel dans un État de droit. Si vous ne nous croyez, vous nous donnerez raisons.

Merci Elie Lokwa