*RDC, Communiqué de mise au point des affaires étrangères : un exploit nul, réalisé en marge du droit international.*

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<<Le droit des peuples à disposer d’eux – mêmes est aujourd’hui généralement considéré comme l’un des principes fondamentaux du droit international au même titre que la règle de règlement pacifique des différends; c’est dire que beaucoup n’hésitent pas à y voir une norme impérative du droit international, non susceptible de dérogation, opposable à tous ( _jus cogens_ )>>{lire Pierre – Marie DUPUY & Yann KERBRAT, _Droit international public_ , 11 ème édition, Dalloz, Paris,  2012 }
*Par Me Éric Bilale,*
Avec une attention soutenue, nous venons de parcourir le Communiqué officiel du Ministère des affaires étrangères et Coopération Régionale. Force est de constater, avec regret, que cet acte unilatéral est aux antipodes des règles du droit international en vigueur et n’est pas fondé lorsqu’il invoque, sans raison, le _principe de non ingérence ; les obligations découlant du droit international en général et de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques en particulier,  et; les élections comme question ne pouvant relever que de la compétence de seul l’État dans sa souveraineté_ .
1. Le droit du Peuple congolais à disposer de lui-même, *c’est-à-dire le droit à l’autodétermination, celui de se choisir librement, à travers des élections inclusives, libres, démocratiques, transparentes et apaisées, ses dirigeants,* est étranglé et atteint dangereusement par : a) _la machine à voter_ (vote électronique) non prévue par la loi électorale, encore moins dans le calendrier mais qui viendrait voler au Peuple congolais sa volonté à bien des égards  ; b) *les exclusions et les invalidations politiques  sans motif valable des candidats Présidents de la République de l’opposition dont le Sénateur Jean-Pierre Bemba, en violation flagrante, par la Cour constitutionnelle elle – même,  de la Constitution ;* c)l’enlisement infernal du climat politique en violation de l’accord de la Saint Sylvestre lequel stipule la décrispation politique par la libération des prisonniers politiques…
*Note: cette réalité est constitutive d’un dangereux cocktail destiné à menacer, absolument, la paix et la sécurité internationales et/ou à en assurer la rupture,  mais aussi à évincer le Peuple Congolais de son droit à l’autodétermination, droit censé être défendu par tous les peuples des Nations Unies. D’où les déclarations internationales, encourageables et fondées par ailleurs,  des Organisations et des pays amis du Peuple congolais. Toutes ces déclarations, surtout celles des pays voisins immédiats du Peuple congolais, tendent à écarter, dans un avenir proche, une rupture de la paix et de la sécurité dans la sous – région, considérant que les élections sont à la fois une cause de la stabilité(lorsqu’elles sont crédibles, inclusives et apaisées) et un facteur de la rupture de la paix et de la sécurité  (lorsqu’elles sont telles que le processus actuel en RDC le démontre, bâclées en avance).*
2. Depuis San Francisco, c’est-à-dire depuis la création des Nations Unies, la question des élections, pour les Peuples des Nations Unies, est une affaire internationale. Les élections rentrent dans le strict cadre << _de droit des peuples à disposer d’eux – mêmes_ >>, l’un des droits que les Nations Unies tiennent à respecter et à faire respecter ( lire les articles 1(2) et 24 de la Charte de l’ONU);
*Note: le droit à l’autodétermination est élevé au rang de la norme internationale impérative, opposable à tous, c’est-à-dire une norme, au regard de l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, acceptée et reconnue par la Communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle  aucune dérogation n’est permise. Ni la Cour constitutionnelle ni la CENI, encore moins la machine à voter ne peuvent venir empêcher le Peuple Congolais, membre des Nations Unies, de se choisir les dirigeants qu’il veut ; un communiqué du Gouvernement n’est pas en mesure d’interdire aux États membres des Nations Unies de veiller sur ce droit intangible du Peuple congolais, consistant à participer aux élections libres, inclusives, transparentes et apaisées, à moins d’inventer son propre droit international. La Cour Internationale de Justice a, maintes fois, rappelé qu’au regard   << _de l’importance des droits élevés au niveau de la norme impérative du droit international (jus cogens), tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique de les protéger. Les obligations dont il s’agit sont des obligations erga omnes, opposables à tous…_ >>( CIJ, 5 février 1970, arrêt, _affaire Barcelona Traction_ , Rec.1970,32); le droit des peuples à disposer d’eux – mêmes tel qu’il s’est développé à partir de la Charte et de la pratique de l’ONU est un droit opposable  à tous les peuples des Nations Unies lesquels sont censés le défendre( lire _La présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie,_ avis, CIJ Rec. 1971,31-31; _Sahara occidental, avis, CIJ Rec.1975,31-33; CIJ, 30 juin 1995, arrêt, _affaire du Timor oriental_ , Rec.1995,102…)*
3. Le Communiqué des affaires étrangères dont question ici, c’est une déclaration unilatéral de l’État congolais, certes, mais une déclaration nulle au regard du droit international, parce qu’il tend à museler les États qui s’acquittent, de bonne foi, de leurs obligations internationales de faire respecter une norme impérative, le droit du Peuple congolais à se choisir librement ses dirigeants à travers de bonnes élections avec inclusivité et sans machine à voter.
*Note : pour prendre pareils actes (communiqué) susceptibles de créer des obligations juridiques, un État sérieux est censé se référer aux  << _Principes directeurs applicables aux déclarations unilatérales des États susceptibles de créer des obligations juridiques_ >> tels qu’adoptés par la Commission de droit international de l’ONU en 2006 et soumis à l’Assemblée générale et approuvés( _A/61/10_ ). En réalité, ce communiqué des affaires étrangères tend à  cautionner un processus électoral bâclé, porteur des germes d’exclusion et tendant à empêcher le Peuple Congolais à exercer convenablement son droit de se choisir ses dirigeants. Plus encore, il tend à heurter la défense de ce droit à l’autodétermination en péril par la communauté internationale des États, alors que c’est conforme au droit international que les États voisins de la RDC défendent les élections démocratiques, dans la mesure où, ne pas le faire, équivaudrait à violer par omission une obligation internationale leur incombant. L’un des Principes précités, le   Principe 8, dit clairement qu'<< _une déclaration unilatérale en conflit avec une norme impérative du droit international général est nulle._ >> Et, aucune obligation ne peut résulter pour les autres États de la Déclaration unilatérale d’un État, surtout qu’aucun d’entre eux ne l’a acceptée expressément.*
*En conclusion, ce communiqué des affaires étrangères n’est qu’un exercice sans issue et sans raison d’être. Convoquer les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires, ou encore sur les missions spéciales à l’encontre de certains États, est inopérant,  lorsque ces États défendent le droit du Peuple congolais à disposer de lui-même, celui de se choisir ses propres dirigeants à l’occasion des élections apaisées, inclusives, démocratiques, libres et transparentes. C’est exactement le cas de figure de ce communiqué des affaires étrangères de la RDC, nul et non avenu, du point de vue de droit international. Les États qui viennent au secours du Peuple congolais pour la tenue des élections crédibles, ne font que satisfaire à une obligation internationale leur incombant.*