*L”acquisition et la possible utilisation illicites des machines à voter aux fins des élections, détails de A à Z.*
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<<Je crains les grecs, même quand ils font des offrandes [aux dieux]>>
*A. La machine à voter est un monstre qui infiltre le droit électoral positif congolais.*
La Machine à voter fait, absolument, partie de vote électronique. Le vote électronique désigne trois types de systèmes informatiques : les ordinateurs de vote (ce que la Commission Eléctorale Nationale Indépendante (CENI)considère, à tort, de Machine à voter aujourd’hui, dans la mesure où l’expression elle – même est surannée, désuète car elle désignait, en 1969, en France, des machines, à l’époque où l’informatique n’existait pas encore ); le vote par internet et; les kiosques électroniques.
*Les ordinateurs de vote enregistrent les votes des électeurs pendant le scrutin puis les additionnent lors du dépouillement. Il s’agit bel et bien de systèmes informatiques autonomes placés dans des bureaux de vote en remplacement du matériel habituel (bulletins, enveloppes, isoloir…).*
L’ordinateur présente les alternatives donc (candidats, listes, ou réponses en cas de référendum), l’électeur fait son choix à l’aide de l’ordinateur de vote, en appuyant sur un bouton, ou en utilisant une souris, ou bien encore en mettant directement ses doigts sur l’écran tactile, selon le modèle ; l’électeur peut confirmer son choix ou bien revenir en arrière pour éventuellement en changer. Une fois son choix confirmé, il peut emarger.
*Note: L’article 237 ter de la loi électorale interdit, pour le processus en cours, l’usage du vote électronique.*
▪La CENI peut bien chercher à transformer la vérité en disant qu’il y aura aussi des urnes. Ben, tant mieux, est-ce que la présence de ces urnes de façade va empêcher les machines à activer leurs algorithmes de calculabilité? Non. Les machines vont bel et bien donner des résultats. Et, en cas de contradiction entre les résultats des ordinateurs et ceux des urnes matériels, lesquels priment ? La CENI va dire que ce sont des résultats des urnes qui vont primer, mais en vertu de quel arbitrage ? Qui en est le juge ? Agit – il (ce juge de conflit ) sur base de quel texte, mieux, quelle est la base juridique de cette affirmation de la CENI ? Dans une société de droit, les citoyens ne peuvent avoir comme refuge que la loi dont l’autorité s’oppose à tous. Qui fonde la CENI de ce pouvoir hors-la-loi de décider sur les choses aussi importantes de notre société ?
▪La CENI peut dire des contre vérités en réfutant la réalité selon laquelle, dans ce cadre précis, les bulletins de vote sont dématérialisés, en arguant que les bulletins seront imprimés par l’ordinateur après le choix de l’électeur, pour être déposé dans l’urne matérielle. C’est de la poudre aux yeux. Non, ça ne sera pas le bulletin mais sa représentation qui sera imprimée. Le bulletin ici est dématérialisé, il est intangible dans l’ordinateur. Il y a une différence notable entre <<objets réels>> et <<représentation>>. René Margritte sait le démontrer dans son oeuvre intitulée fort à propos _La trahison des images,_ elle représente une <<pipe>> de manière très réaliste et est sous – titrée par la phrase “Ceci n’est pas une pipe”. Effectivement, il est impossible de fumer du tabac à partir d’un tableau qui représente une pipe. La transformation des objets réels en une représentation a pour conséquence la modification des propriétés des objets en question: <<une représentation d’une pipe n’est pas creuse et ne peut être bourrée de tabac, allumée et fumée.>>
L’ordinateur de vote, communément appelé Machine à voter nous fait observer la même mutation des propriétés physiques des objets de vote : l’urne est représentée par un fichier électronique qui peut être altéré par erreur ou par malveillance, sans que ces modifications soient directement perceptibles par les personnes présentes autour du dispositif de vote (même les témoins n’y peuvent rien). La volatilité de l’information ainsi numérisée contraste avec la continuité physique des bulletins de vote en papier (pré – imprimés). Ce la machine à voter va imprimer, c’est la représentation du bulletin déjà utilisé et non le bulletin lui-même. La preuve en est que le document imprimé sera porteur des informations sur les choix opérés par la machine, alors que le vrai bulletin est numérisé.
*B. La possible utilisation de la machine à voter exige, au préalable, la révision de la Constitution article 5 alinéa 4.*
Article 5 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006 : << Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect. >>
Le principe constitutionnel de secret du suffrage convoque à la fois la confidentialité et l’anonymat, ses corollaires.
▪ *La confidentialité :* l’électeur doit exprimer son choix à l’abri des regards afin d’éviter les pressions et les tentations de vendre son vote. Les enveloppes protégeant les bulletins, la présence d’isoloirs dans les bureaux de vote et leurs usages obligatoires contribuent à garantir le respect de la confidentialité.
*Note : avec la machine à voter, il n’y a aucune confidentialité. Tout se passe en présence des agents commis au contrôle d’utilisation de la machine dans le bureau de vote. Grave encore, avec un taux élevé des électeurs n’ayant jamais touché sur un ordinateur (90 % d’électeurs), la situation est préoccupante. Soit ce sont des commis de la CENI qui vont voter pour eux, soit ils seront obligés d’être assistés par des personnes fiables en présence des témoins : tout le monde vera le choix opéré, et le suffrage ne sera plus secret comme l’exige l’unique constitution qui nous régit. Alors, ça sera une violation massive de la Constitution. La Constitution ne sera désormais considérée que comme un chiffon de papier. Une question, quel est ce Peuple dans ce monde qui tiendrait à violer ou à laisser faire violer sa Constitution massivement en connaissance de cause ? De ce point de vue, la position salutaire du Sénateur Jean-Pierre BEMBA du samedi 22 septembre passé est sans appel : la machine à voter est un virus contre un processus électoral crédible.*
▪ *L’anonymat :* il rend impossible la capacité de relier un suffrage déposé à un électeur. Les bulletins ne doivent porter aucune marque susceptible de permettre l’identification de l’électeur. Ce problème n’est résolu que dans le cadre des bulletins pré – imprimés lesquels sont mis à la disposition des électeurs. Les enveloppes sont brassées à l’ouverture de l’urne, une opération irréversible qui empêche la possibilité de suivre une enveloppe préalablement repérée dans l’urne transparente.
*Note : la machine à voter ou l’ordinateur de vote n’a pas communication des identités des électeurs, mais l’ordre avec lequel les suffrages ont été enregistrés peut constituer un lien permettant de retrouver l’auteur de chaque suffrage, surtout qu’il n’est pas illégal de noter l’ordre de vote des électeurs. Ici encore, la Constitution et le secret du suffrage sont ébranlés intégralement et tout le monde est en danger. Un cadre du FCC (Front Commun pour le Congo), déçu par les 5 chantiers restés sur papier, fatigué de l’idéalisme de la modernité révolutionnaire, qui vote pour le projet réaliste du Sénateur Jean-Pierre BEMBA, à travers la machine à voter, il est repéré aussitôt par le mécanisme informatique en remontant l’emargement, ce qui entraîner des représailles sur les électeurs. Hors, la procédure de vote classique à l’urne rime avec la Constitution, dans ce sens que ces difficultés sont définitivement résolues par le brassage des bulletins à l’ouverture de l’urne.
*C. La machine à voter vient heurter tous les principes inhérents à une élection crédible et acceptable par tous les Peuples des Nations Unies.*
▪ *Le principe de transparence (les élections transparentes )* : la transparence peut être directe ou indirecte. Elle est réelle lorsqu’elle est directe, c’est-à-dire que lorsque le déroulement de la journée de vote, depuis l’ouverture des bureaux de vote jusqu’à l’établissement de des résultats sur les procès – verbaux, s’est passé sous les yeux regardants des électeurs. Les électeurs, à travers les témoins, sont mis à contribution lors du dépouillement. *La transparence d’une élection ne se réalise que lorsqu’elle est directe, les électeurs peuvent par exemple constater, lors de l’ouverture du bureau de vote, directement, sous leurs propres yeux, que l’urne est vide. Ils peuvent voir l’urne, la toucher, constater sa vacuité par leurs propres sens.*
La transparence devient de façade, indirecte, lorsqu’elle s’exerce via un média humain ou logiciel privant l’électeur de sa capacité de contrôler car, dans ce cas, l’électeur doit accorder confiance à ce média susceptible d’erreur, de tromperie ou de malveillance, sans pouvoir vérifier lui-même l’effectivité des mesures prises, ou la réalité des informations qui lui sont transmises.
*Note : la machine à voter est l’incarnation ou le cas de figure, par excellence, de cette transparence de façade, transparence indirecte qui devient littéralement <<opacité>>, dans la mesure où l’urne dématérialisée, numérisée (électronique ) n’est pas palpable, elle est dérobée aux yeux des électeurs, des témoins. Les systèmes de vote informatique sont, par essence, opaques : << le codage et le traitement d’information sur des supports informatiques procédant par déplacements d’électrons au sein de composants électroniques ou microprocesseurs, ne peuvent s’observer directement. L’électeur n’est pas en mesure de toucher ou à voir l’intérieur de l’urne de la machine à voter, mais un informaticien commis par la CENI lui affirme que l’urne est vide, ou encore l’écran tactile de l’ordinateur lui-même affiche un message indiquant “l’urne est vide” ou “les compteurs sont à zéro”, ou l’impression de ces informations sur un ticket. Par la machine à voter, pas d’élections transparentes. Les informations et données contenues réellement dans l’ordinateur de vote sont inconnues des électeurs, du Peuple souverain.*
▪ *La sincérité des résultats :* les résultats proclamés doivent correspondre à la vérité des urnes, aux suffrages tels que déposés par les électeurs. Les urnes sont obligatoirement en plexiglas transparent. Les PV des résultats signés par tous, y compris les témoins, après le dépouillement font que le principe de sincérité soit de mise et renforcé. Ici, c’est la vigilance exercée lors de la période de vote par tous (électeurs, scrutateurs, délégués, membres du bureau…) conjointement qui fait éviter toute atteinte à l’intégrité de l’urne ou à la véracité des résultats. Les objets réels facilitent cette finalité.
*Note : dans le cadre de l’ordinateur de vote ou de la machine à voter, les objets du vote étant dématérialisés, ils ont perdu la continuité de propriété physique. Parce que non palpable, la vigilance ne peut plus s’exercer. Ici, la justesse des résultats ne peut être vérifiable, même pas par approximation. Et, en se référant aux théorèmes de Godel et aux travaux de calculabilité de Hilbert, il est donc impossible qu’un programme informatique renvoie une réponse exacte en un temps fini. La Machine à voter demeure donc, s’il faut, d’une façon adaptative, paraphraser Antoine de Saint Ex., <<une esclave qui compte servir indifféremment dans le malheur du Peuple congolais.>> Elle ne peut jamais être fiable.*
*D. L’acquisition des machines à voter est faite sans une réglementation préalable : un danger pour la République.*
La Machine à voter ou l’ordinateur de vote n’est pas n’importe quel instrument vulgaire. C’est un instrument qui vient jouer un rôle important dans l’exercice de la souveraineté nationale laquelle appartient au Peuple. Non seulement son utilisation est subordonnée à l’autorisation expresse de la loi, mais aussi acquisition doit être réglementée au préalable.
▪D’abord, du point de vue de marché public à conclure, il est inadmissible que l’acquisition de pareils ordinateurs de vote soit réalisée à l’issue d’un opaque marché des dupes passé de gré à gré. Non, c’est une question qui touche au plus haut point à la souveraineté nationale, les élections. Pour l’information au public et la transparence, mais aussi la crédibilité des constructeurs, l’acquisition de ces machines doit se réaliser par l’appel d’offres.
*Note : le contrat d’acquisition des machines à voter est le plus opaque qui puisse exister. Le public n’en connaît ni les tenants ni les aboutissants. Les machines sont achetées comme des arachides, sur bases d’un contrat déséquilibré assorti d’une contre-lettre verbale. C’est une aventure de mauvais goût. Il n’y a, du point de vue de droit positif électoral congolais, aucun règlement technique fixant les conditions d’agrément des ordinateurs de vote. Ce règlement devrait aider à clarifier, au préalable, les principes et les exigences que doivent satisfaire le dispositif informatique de vote, notamment la procédure d’agrément et de certification. Il est donc impossible, en droit congolais, de chanter l’agrément ou la certification des machines à voter alors qu’il n’existe aucun texte qui ne réglemente le secteur. On ne peut pas non plus prétendre utiliser pareil dispositif non autorisé par la loi. En droit comparé, français par exemple, où ces ordinateurs ont été utilisés et écartés suite aux graves ratés, il existe un <<règlement qui énumère 18 principes et 114 exigences que doivent satisfaire les ordinateurs de vote. Il organise la procédure d’agrément : chaque modèle fait l’objet, au moment d’analyse des offres après appel, d’une inspection par un organisme de certification.*
En conclusion, le calendrier électoral du 05 novembre 2017, en cours d’exécution, n’a pas prévu les machines à voter. Il a plutôt prévu le vote par les bulletins et les urnes matériels, dont les isoloirs (cfr les points 38, 39 et 40 du calendrier). Aucun texte en droit congolais ne réglemente l’acquisition et l’utilisation de ces machines à voter aux fins des élections, encore que le vote électronique est proscrit pour les élections en cours. Pour utiliser ces machines à voter, il faut, absolument, réviser l’article 5 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006. Il n’y aura aucun secret sur le choix des électeurs au moyen de la machine, étant donné que 90 % de nos électeurs sont obligés d’être assistés pour faire leur choix sur l’écran tactile de l’ordinateur de vote. L’image anecdotique d’une femme âgée recherchant, comme à minuit sa clef perdue, le nom ou la liste de son candidat, n’est qu’édifiant pour l’avenir de nos élections.
Nous avons donc un choix : soit faire respecter notre constitution, nos lois et notre Peuple en rejetant en bloc ce monstre de machine à voter, soit hypothéquer l’avenir en se laissant faire par ces machines à voter.
*Nous, aux côtés du Sénateur Jean-Pierre BEMBA, avons fait notre choix, pas de machine à voter ; pas de parodie d’élections. Oui pour les élections transparentes, libres, inclusives et apaisées.*
Éric Bilale M.M.