Le report des élections : l’incendie de l’entrepôt de la CENI n’est pas un cas de force majeure, la CENI usurpe la fonction du juge

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“Proposons-nous de grands exemples à imiter, plutôt que de vains systèmes à suivre”.[Jean-Jacques Rousseau]
La CENI n’est pas un juge pour statuer seule sur le report d’une élection. C’est regrettable. La CENI n’est qu’une simple institution administrative indépendante qui n’a pas de compétence juridictionnelle pour statuer, *proprio motu*, sur les modifications de délais électoraux préalablement établis, sans une autorisation expresse du juge, lequel est déjà intervenu dans le cadre du contentieux de candidature et des listes. Après la publication du calendrier et l’exécution de ses séquences  (publication des listes, organisation du scrutin…) en cas de problème, le principe de l’État de droit voudrait que seul le juge joue son rôle de censeur. Question de souveraineté nationale, à ce stade, seule le juge pouvait constater l’impossibilité technique pour la CENI à tenir le délai, le Gouvernement entendu, puis autoriser l’éventuel report. Sur requête de la CENI, la Cour aurait entendu : *a) le Gouvernement sur les prévisions budgétaires consacrées aux  élections, les moyens déjà disponibilisés ; b) les services spéciaux de l’État, ANR et autres, sur les renseignements fiables dont ils pouvaient disposer avant l’incendie de l’entrepôt CENI  (ceci permettrait au juge, au seul juge, de dire cet incendie comme relevant ou pas d’un cas de force majeure, auquel cas, la CENI serait exonérée ou non de l’obligation de tenir le délai ) ; c) la CENI sur la disponibilité réelle et non imaginaire des matériels électoraux de réserve  (ceci permettrait au juge de statuer, au-delà de tout doute raisonnable, sur le report ou pas, étant donné que l’on pouvait surmonter cet incendie) ;d) les parties prenantes, spécialement les candidats qui ont des moyens à développer…Ce qui n’est pas fait.Malheureusement, la CENI vient de devenir un juge, quelle incompétence honteuse pour  ce bureau d’apprentis sorciers? Alors que les divergences entre la CENI et les candidats persistent, elle se fait juge et partie en réglant un différend d’ordre juridique.*
Le pretendu incendie de l’entrepôt de la CENI n’est pas un cas de force majeure pour être invoqué, par mauvaise foi, comme argument fondamental du report :
La force majeure est un événement *imprévisible, insurmontable et extérieur* à l’agent qui invoque l’exonération dans l’exécution d’une obligation [ dans la théorie du risque, cette définition est généralement acceptée]. Pour être invoqué et opposable à toutes les parties,  le cas de force majeure doit être considéré comme tel par  un juge impartial, seul habilité à en établir la réalisation par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. Rappelez – vous de cas de l’impossibilité  invoquée en 2015 par la CENI pour ne pas tenir le délai d’organisation des élections législatives provinciales et des Gouverneurs, ayant saisi la Cour. Cette dernière, après affirmé que le processus électoral était irréversible, a constaté, néanmoins, la  force majeure empêchant la CENI, dans les délais légaux, d’organiser ces élections et elle lui ordonna, en conséquence, d’évaluer, en toute indépendance et impartialité, tout le processus électoral conduisant aux élections prévues dans son calendrier global. Elle avait, en outre, enjoint au Gouvernement de la République Démocratique du Congo, notamment de doter la CENI des moyens nécessaires pour l’organisation impérative de ces élections…[pour les membres du bureau de la CENI qui n’ont pas lu, cfr Requête CENI du 29 juillet 2015, signée par son Rapporteur, Jean-Pierre KABAMBA déposée au Greffe de la Cour constitutionnelle et l’Arrêt R.Const. 0089/2015, Journal Officiel, 1er novembre 2015, première partie -numéro 21]. Nous faisons remarquer que, même si l’intention à l’époque était de parvenir à un report, on savait réfléchir en droit. Aujourd’hui c’est un scandale inacceptable.
*1. L’incendie de l’entrepôt de la #CENI était – il imprévisible ?* Non. Il était prévisible, les sources très sûres renseignaient, en avance, que l’on va incendier la CENI pour repousser les élections. C’est pour ça que les renseignements existent, les services d’intelligence  ;
*2. Il est surmontable.* La CENI elle – même a fait un communiqué confirmant que l’on avait surmonté cela, l’on avait pallié le vide. Même les cadres du FCC ont Twitté pour dire qu’il y avait des machines de rechange.
3. Ces deux premières conditions d’existence de force majeure balayées, point n’est question de poursuivre, sachant que seul le juge pouvait nous donner un argument de droit. La CENI et ses suppôts n’étant pas juges, ils viennent de commettre l’irréparable. Cette CENI est la plus dangereuse qui puisse exister, elle a développé une tendance maladroite de se *judiciariser*: elle a interprété des lois, des décisions de justice  (arrêt CPI ), elle a annulé des arrêts des Cours d’Appel validant certains candidats…, ceci n’est pas diabolique par hasard ? *Oui, il faut,au plus vite,  exorciser cette institution d’appui à la démocratie, désacralisée et possédée  par ces démons des élucubrations juridiques tant redoutés au 15 ème siècle, mais qui refont surface avec cette CENI par la présence des individus sans foi ni loi* …
Les sources sûres renseignent que la CENI est concernée par ces incendies. Elle n’en est pas étrangère.
Moralité,  la CENI ne peut pas invoquer l’incendie de cet entrepôt comme motif de report, le considérant d’un cas de force majeure. En plus, la CENI est devenue juge pour trancher sur cette question fondamentale dont elle est partie ? Ne serait – elle pas rationnel que cette question soit tranchée par un juge qui autoriserait, éventuellement et sous réserves généralement quelconques, le report ?
La CENI vient de démontrer son incompétence en prenant une décision hors-la-loi. Le Président de la CENI n’a pas eu le réflexe juridique de saisir le juge afin de statuer sur sa prétendue impossibilité technique à tenir les délais. La CENI n’a pas de Conseillers juridiques à titré pour assurer le fonctionnement juridique de cette haute institution; la CENI a pris une décision par voie de fait et non droit. Par conséquent, le calendrier électoral est de vigueur, la Cour, en vertu de son pouvoir de régulation politique  [pouvoir jurisprudentiel  auto – octroyé ],  n’étant ni de loin ni prêt concernée par ce report abusif et illicite, *le 23 décembre prochain reste et demeure la date des élections.*
Pour rappel, en 2015, quand la CENI s’est vue dans l’impossibilité d’organiser des élections provinciales et celle des Gouverneurs de nouvelles provinces dans la logique de la loi de programmation au regard de son calendrier, elle a saisi, par son Rapporteur, la Cour constitutionnelle laquelle a improvisé, en vertu de son fameux  pouvoir de régulation de la vie politique, *<<les commissaires spéciaux>>*; en 2016, se sentant dans *l’impossibilité de tenir le délai constitutionnel quant à la convocation du corps électoral, particulièrement 90 jours avant la fin du mandat du Président de la République, en ce qui concerne l’élection du Président de la République, la CENI a saisi la même Cour laquelle a interprété l’article 70 de la Constitution en cas de non élection d’un nouveau Président de la République.*
Curieusement, aujourd’hui, la CENI se transforme en juge pour le report d’un scrutin ? On aurait pu comprendre si cette *<<décision extrajudiciaire>>* de report était *consensuelle et conventionnelle,* c’est-à-dire sur base d’un accord politique comme en 2016  (Accord de la Saint Sylvestre ).
*Il va falloir qu’un jour enfin la CENI se décide à lire les livres, ses requêtes, les arrêts lui rendus par le juge suprême, les lois de la République  que, depuis trente ans, je conseille à mes amis de lire.*
Eric Bilale