Du confinement au déconfinement de la ville de Kinshasa, gestion alarmante de la crise sanitaire née du coronavirus.

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Du confinement au déconfinement de la ville de Kinshasa, gestion alarmante
de la crise sanitaire née du coronavirus : Analyse critique des mesures prises
par le gouvernement et perspectives d’avenir.
Par Maître Guy Pascal NGOMA PHANZU
Un problème sans solution est un problème mal posé « Albert Einstein ».

Marqué par l’héritage de Machiavel, la modernité a séparé l’action politique
de la pratique des vertus. L’agir politique obéirait à des lois échappant aux règles morales communes à notre humanité. La conservation du pouvoir et de la société admettrait l’usage des moyens inacceptables dans la vie privée. Cette conception rompt avec l’héritage chrétien mais encore avec l’essentiel de la pensée antique, aussi bien grecque que romaine. Il serait pour autant erroné d’interpréter le lien entre la politique et les vertus sous
l’angle très réducteur de la seule appréciation du comportement privé des
gouvernants. La poursuite du bien commun demande d’abord la
connaissance d’idées vraies dont les vertus assurent la mise en œuvre
efficace; ce second aspect de la formation politique a trop souvent été
oublié en République Démocratique du Congo ; il suffit de voir le tâtonnement
dans la gestion de cette crise sanitaire aussi très grave pour le genre humain
pour en déduire l’absence de la veille politique.
1. Du report du confinement total intermittent de Kinshasa : Poudre de
perlimpinpin.
Celui qui voit le mal sans lutter contre lui coopère avec lui « Martin Luther King ».
Nul n’est sans ignorer que l’Hôtel de ville de Kinshasa a donné vendredi 27 Mars au soir les premières explications du report de la mesure de confinement total intermittent qui devait commencer samedi 28 mars 2020 ; Il a été noté selon le Gouverneur de la ville de Kinshasa que le report a été pris en raison de la spéculation constatée sur la hausse des prix des biens de première nécessité et qu’il s’agissait également de prévenir des actes susceptibles de créer l’insécurité.
Que des interrogations autour des motivations de ce report.
– Pourquoi n’avoir pas compris avant que cette mesure prise de façon
brute et brutale, n’était pas en adéquation avec le contexte socio- économique du paysage kinois ?
– Pourquoi croire que parce qu’il s’agit d’un service de commandement
que les éléments de la police et des FARDC (Forces armées de la RD Congo) n’ont pas droit à être entretenus convenablement afin de donner le meilleur d’eux-mêmes ?
– Devons-nous comprendre que l’exécutif provincial n’est pas entouré d’un laboratoire politique ou il ne les entend pas tout simplement ?
Nous référant aux pistes de solutions que nous avons proposées dans notre
précédente analyse , il a été suggéré aux pouvoirs publics qu’en dépit des
mesures prises en vue de lutter contre la propagation du coronavirus, qu’un
accompagnement devait suivre ces dernières tenant compte du contexte socio-économique congolais constitué d’une population qui vit au jour le jour ; et en voilà les conséquences .

Nous avions également suggéré en terme de pistes de solutions qu’en vue de
mieux appliquer ces mesures, qu’une dotation spéciale soit réservée aux
éléments commis à cet effet mais malheureusement les pouvoirs publics ne
tirent les conséquences d’une éventuelle insécurité qu’en aval.
. Emile de GIRARDIN ne disait-il pas que gouverner c’est prévoir et que non prévoir, c’est courir à sa perte ?
Il va sans dire que le confinement annoncé a eu des conséquences sur le plan tant économique, financier que sanitaire dont je vous rends le libellé.

a. Sur le plan économique
La journée du vendredi 27 mars 2020 à Kinshasa, a ressemblé à l’annonce
d’une hécatombe où vieux et jeunes se sont bousculés à l’entrée des supers
marchés et des grands marchés, achetant, s’approvisionnant à l’instar des
israélites qui se bousculèrent dans des synagogues lors des prédications du fils
de l’homme ; quel imbroglio ?
Il s’est dégagé de cette mesure : la spéculation et surtout la hausse généralisée des biens de première nécessité.
A titre illustratif, le sac de la braise s’est vendu jusqu’à 80.000 fc alors qu’un
jour avant, il avoisinait les 40.000 fc.
b. Sur le plan financier
Dans la perspective de s’approvisionner afin de juguler la crise alimentaire
éventuelle, plusieurs kinoises et kinois ont contracté des prêts financiers
auprès des tiers avec remboursement à des intérêts approchant l’usure. Dit-on
qu’à l’impossible nul n’est tenu, cet aspect de choses va déchirer plus d’un
étant donné que l’objet desdits prêts a été anéanti par le report du confinement.
C. sur le plan sanitaire
Au regard de l’engouement ayant occasionné une promiscuité plus qu’avant, comment ne pas croire que la journée du vendredi était la consécration
implicite de la propagation du coronavirus ? S’il est évident que l’obligation de respecter la distance avec les voisins, est l’un des moyens efficaces pour prévenir la propagation de cette pandémie aux conséquences homicides, que dire des longues files observées ce vendredi devant les supermarchés ainsi que les accointances transversales constatées dans différents marchés comme si on se trouvait aux noces de cana etc.

2. Responsabilités et pistes de solutions
Il est nullement un doute que s’il s’avérait que la propagation du coronavirus à Kinshasa atteint une propension plus ample, que la journée du vendredi 27 mars 2020, en serait un des facteurs favorisant de cette pandémie et ce, en raison de la promiscuité créée par ricochet.
In casus specie, les pouvoirs publics, je cite l’exécutif provincial engagerait
sa responsabilité et ce à toutes fins sanitaires.
En terme de pistes de solutions, nous suggérons que sans trop tarder et
toutes affaires cessantes qu’un couvre feu sanitaire soit décrété en vue
d’identifier les cas des personnes manifestant des symptômes mais qui se
recroquevillent en raison de la honte ou du désespoir et les cas des personnes qui sont ignorantes de leur contamination.
Ce couvre feu sanitaire , utiliserait les mêmes procédés que les agents de
vaccination qui d’habitude passent de porte à porte ; et en ce qui concerne
le coronavirus, nous proposons que cette opération commence par les communes qui ont été considérées comme des épicentres de cette pandémie et éventuellement évoluer vers les autres communes en s’appuyant sur les différentes zones de santé existantes.
Il reviendra à l’Etat en vue d’accompagner cette croisade sanitaire, de mettre les moyens conséquents qu’il ne manque pas contrairement aux cantiques défaitistes chantés à la longueur des journées afin de doter aux équipes une logistique adéquate (masques, gants, appareils de prélèvement
de la température etc…) ;
Il sied de souligner saisissant cette balle aux bonds que le discours de manque d’argent pour l’Etat en vue préserver les vies de citoyens , n’est pas opérant connaissant la capacité qu’ont les pouvoirs publics à débloquer
des sommes colossales pour des activités politiques ; les exemples sont
légions.
Il revient également à l’Etat de ne pas se lasser malgré des décisions ratées
du fait de sa propre turpitude et surtout à continuer la sensibilisation des
citoyens au respect des mesures prises pour prévenir la propagation du
coronavirus en constituant par exemple des comités communaux de sensibilisation ayant en charge le relais des décisions prises par les pouvoirs
publics.
3. Que dire des mesures de compensation prises par le gouvernement
Central.
En bon citoyen, il nous est permis de les applaudir quant au fond dès lors
que nous en serons les bénéficiaires mais des inquiétudes par ailleurs
naissent sur la forme pour certaines avec peur de plonger le pays dans une
incertitude juridico-économique.
a. Du non paiement des factures de la SNEL et de la REGISDESO.
En dépit de cette belle initiative, l’occasion nous est donnée ici de rappeler
que ces deux entreprises du portefeuille de l’Etat , ont cessé d’être des
entreprises publiques organisées par la loi du 6 janvier 1978, pour devenir
aujourd’hui des sociétés commerciales à associé unique qu’est l’Etat
conformément à la loi n°08/007 du 7 Juillet 2008 portant dispositions
générales relatives à la transformation des entreprises publiques et dont le
fonctionnement est régit par l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif aux
sociétés commerciales et Groupement d’intérêt économique.
Il sied pour ce faire, que nonobstant le fait que l’Etat soit l’actionnaire
unique, toutes les décisions sont censées être prises par l’assemblée
générale sur convocation du ministre du portefeuille et constatées dans un
procès-verbal puis entérinées par le conseil de ministres; or en l’espèce,
cette initiative découle d’un communiqué lu par un ministre à l’issue d’une
réunion spéciale avec le chef du gouvernement. Il nous semble qu’il y ait eu une entorse liée à la procédure nous faisant croire que ces deux sociétés
demeurent gérées à l’instar des entreprises de jadis.
Il aurait fallu que ce communiqué révéla que le gouvernement prend en charge le paiement des frais de la SNEL et la REGISDESO en lieu de suspendre le paiement desdits frais. Un problème économique risquera de se poser dans le fonctionnement desdites entreprises.

b. De la suspension de certains impôts notamment l’IPR des
fonctionnaires, les 15 % de l’IPR de certains fonctionnaires pendant 3
mois et la TVA à l’importation
Dans notre entendement, la suspension dont question ici, renvoit non pas au
retardement du prélèvement (ce qui ne servirait à rien puisqu’il y aurait
rappel) plutôt aux exonérations pendant ce temps.
Telle mesure violerait les dispositions pertinentes de l’article 174 de la
constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour qui vient consacrer
le principe de la légalité de l’impôt et des exonérations.
Il est également curieux que telles mesures soient prises par voie de
communiqué alors que le gouvernement aurait dû respecter la forme afin de
sécuriser les bénéficiaires de ces dernières.
Par ailleurs, cette mesure aura également un impact considérable dans
l’émiettement de l’assiette fiscale annuelle arrêtée dans la loi des finances de 2020 devant lui permettre de financer le budget national qui désormais va
subir un coup ne lui permettant plus d’atteindre sinon de couvrir les charges
publiques tel que prévu dans ladite loi.
Notre crainte réside en ce qu’en voulant résoudre un problème, qu’on en crée
un autre.
Dans l’avenir, nous conseillons aux pouvoirs publics de ne pas prendre les
mesures par précipitation et surtout ne pas s’écarter des lois qui en réalité
cristallisent le contrat social et enfin nous suggérons aux pouvoirs publics juste
à la sortie de cette crise d’investir dans le système sanitaire de notre pays,
appuyer la recherche à travers un investissement sérieux dans l’enseignement, bref considérer ces deux secteurs comme prioritaires pour la survie de la nation.
Il n’y a point des pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre
« Molière »

Maître Guy Pascal NGOMA PHANZU

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