RDC: Conflit d’attributions entre les Ministres de l’intérieur (constitutionnel) et de la décentralisation et affaires coutumières : l’un des deux doit disparaître.

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<< … _Au sortir du collège, on me mit un livre de droit et j’en cherchai l’esprit_ >>[ Charles SECONDA dit Montesquieu].

Certes, le juge est le dernier rempart pour trancher ce conflit d’attribution, ce contentieux d’attribution horizontale des compétences, pas entre deux individus mais entre deux services publics d’État gérés en *<<régie direct>>*: les ministères de l’intérieur & de la décentralisation et affaires coutumières.

Pour rappel – et je l’ai toujours rappelé à qui veut le comprendre – le Ministre de l’intérieur *(je dis bien Ministre de l’intérieur )* est l’unique ministre reconnu par la Constitution, au même titre que le Président de la République et le Premier ministre au niveau central. *Le Ministre de l’intérieur est cité nommément par la Constitution*[lire attentivement l’article 200 de la Constitution]. *Si les autres ministères peuvent être créés, dénommés et dissous à tout moment et* de façon non exhaustive, par ordonnance présidentielle (acte administratif, acte inférieur aux lois et à la Constitution), celui de l’intérieur, au même titre que les autres institutions (Président de la République, Premier ministre, Gouverneur de Province, Cour de compte, Cour Constitutionnelle…) créées par le Constituant originaire ne peuvent faire l’objet de création par ordonnance et sont immuables. En cas de conflit, les institutions constitutionnelles sont les préférées et les comblées de priorité.

Si l’on revient sur le fameux conflit d’attributions horizontales des compétences entre les deux ministères, c’est un faux débat, pour des raisons suivantes :

*1. Même si les autres ministères du pouvoir central sont à créer par ordonnance présidentielle,* ils le sont conformément aux matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central et concurrentes entre le pouvoir central et les provinces ( article 201, 202 et 203 const );

*2. Au niveau national, la territoriale, la Police Nationale…* relèvent du Ministre de l’intérieur. Si les ETD sont mises sous tutelle des Gouverneurs de province par délégation du pouvoir central, c’est au Ministre de l’intérieur (l’unique ministre prioritaire à la conférence des Gouverneurs) que les Gouverneurs rendent compte ;

*3. Le fait que ce sont des Gouverneurs et eux seuls qui exercent la tutelle sur les ETD par délégation du pouvoir central,* traduit l’idée qu’en primeur *- même si c’est par délégation légale du pouvoir central -* la décentralisation en tant que matière relève de la compétence des provinces. Par conséquent, logiquement, *le Ministère de la décentralisation n’est pas pertinente au niveau national.* Le vrai ministre de la décentralisation c’est le Gouverneur de Province donc ;

*3. Et pourquoi le législateur organique et le législateur – cadre (loi-cadre ou loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces)* ont-ils voulu attribuer, par délégation du pouvoir central, cette compétence de contrôle des ETD aux Gouverneurs des provinces ? La ratio legis (la raison d’être est simple) : *(a) parmi les ETD, il y a une entité coutumière, la chefferie, qui est dirigée au quotidien par le Premier Échevin mais dont le Chef est un Chef coutumier issu d’un pouvoir héréditaire.* L’exécution du droit coutumier relevant de la compétence exclusive des provinces, les Gouverneurs de province devaient en assurer la surveillance directe *[article 204 – 28 de la Const.]*; *(b) toutes les ETD se trouvent à l’intérieur des provinces. Même la Ville de Kinshasa a statut de province. Le contrôle administratif se voulant un contrôle d’abord de proximité et des réalités, les Gouverneurs qui administrent les territoires dans lesquels se trouvent les ETD sont habilités à en assurer le contrôle direct par délégation du pouvoir central ; (c) la planification provinciale, compétence exclusive des provinces [article 204-29 const.] rend compte de la réalité des ETD et ; (d) l’édit budgétaire reprend aussi le budget des ETD…*

Moralité, il y a non pertinence de l’existence du Ministère de la décentralisation et affaires coutumières. Ces deux matières, relevant de la compétence des provinces : *la première matière (décentralisation ) relevant de la compétence des provinces par délégation légale du pouvoir central et, la deuxième matière, la coutume (le droit coutumier ) relevant exclusivement des provinces de part la volonté du Constituant.* Dans une contribution, lors de la création de ce ministère il y a quelques années, nous avons fait remarquer les failles.

Afin d’éviter tout conflit d’attribution, l’un doit disparaître.

ERIC BILALE