Affaire MATATA PONYO. Entre la levée des immunités sénatoriales et la poursuite d’un ancien Premier ministre : l’Organe de la loi face à un cas de figure simple mais sans précédent ?

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<< _La présomption de culpabilité est l’autre versa de la présomption d’innocence. L’une marche toujours de paire avec l’autre. Depuis l’inculpation jusqu’au dernier ressort, au moment du prononcé d’une décision irrévocable. L’une ou l’autre tombe definitivement selon que la décision condamne ou acquitte…_ >>

Ces lignes ne viennent pas juger ni condamner un citoyen ou réprimander une quelconque approche judiciaire adoptée par le Ministère public. Bien au contraire, elles interviennent dans un contexte purement objectif consistant à relever les apories auxquelles peut être confronté l’Organe de la loi dans sa démarche répressive en tant que Maître de l’action publique : le Procureur, en demandant au Sénat l’autorisation de poursuivre l’honorable MATATA PONYO, poursuit-il un Sénateur ou un Premier ministre ? Met-il en mouvement l’action publique contre un ancien Premier ministre devenu Sénateur ? Quel est le juge naturel d’un ancien Premier ministre ? Si, pour un Premier ministre en fonction, il est prévus de par la Constitution (article 166) les privilèges de procédure, ces privilèges de procédure fonctionnels (liés aux fonctions) s’appliquent-ils aussi à un ancien Premier ministre ? Que dis-je, la compétence pénale matérielle et personnelle de la Cour constitutionnelle sur les infractions commises par le Premier ministre dans l’exercice de ses fonctions ne se limite-t – elle pas qu’à un Premier ministre en pleines fonctions, aux fins de la sanction constitutionnelle pénale de l’article 167 de la Constitution, *<<la déchéance de ses fonctions>>* ?

Même le droit constitutionnel pénal obéit à la légalité des incriminations et des peines, l’on ne dérogera jamais à ce sacro-saint principe, que soit en temps de paix ou en temps de guerre. *L’unique cas de figure de la compétence matérielle et personnelle de la Cour Constitutionnelle sur les infractions commises par le Premier ministre à l’occasion de l’exercice de ses fonctions c’est quand il est encore Premier ministre en fonction, et la peine prévue en cas de la culpabilité c’est la déchéance.* Que dis-je, pour déchoir une personne de ses fonctions, la personne concernée est supposée être en fonction, elle est supposée exercer lesdites fonctions au Présent. Hors, l’ancien Premier ministre MATATA PONYO n’exerce plus les fonctions du Premier ministre. Les débats orientés dans ce sens ne sont – ils pas erronés?

Dans l’esprit du Constituant, on ne pouvait pas comprendre qu’un Premier ministre de la République commettent les infractions, même de droit commun, pendant qu’il est Premier ministre et dans le plein exercice de ses fonctions. C’est pourquoi la déchéance était considérée comme une panacée, une personne indigne de cet acabit doit cesser, une fois reconnu coupable, d’être Premier ministre par le mécanisme de la déchéance.

Lorsque l’on est plus Premier ministre et que les infractions que l’on a commises d’antan dans l’exercice desdites fonctions n’ont pas été punies ni prescrites, que faire ? C’est le sens même de ces lignes, afin d’éclairer le présent et l’avenir.

On revient donc sur la procédure normale de la qualité de la personne à poursuivre. Le juge naturel d’un Sénateur, quelle que soit la nature des infractions commises par ce dernier et le moment de leur commission, ce juge-là existe. Ce juge-là est connu par le Procureur, c’est bel et bien la Cour de cassation. Même si un jour avant on a commis des infractions en tant Chef de Bureau d’une Administration, dès que l’on devient sénateur, indépendamment du moment de la cristallisation des faits et de la qualité qu’on a eu antérieurement, on bénéficie des privilèges de procédure et de juridiction, on est poursuivi et jugé comme tel. L’autorisation des poursuites contre un Sénateur a une procédure particulièrement établie.

Les débats sur les immunités ont toujours été édulcorés dans le pays. Il est important de préciser que l’autorisation de poursuite n’est pas synonyme de la levée des immunités, non, non et non. Les immunités ne se lèvent jamais. Les immunités parlementaires sont faites exactement pour sauvegarder la liberté d’action du Parlementaire dans l’exercice de ses fonctions. Tous les actes infractionnels (injure publique à l’hémicycle lors de la prise de parole, faux en écriture lors d’une motion ou pétition, imputations dommageables lors des travaux dans une commission…) commis dans l’exercice de leurs fonctions par les parlementaires sont considérés comme inexistants du fait des immunités qui en éludent le caractère pénal.

Par contre, pour les infractions commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions parlementaires (adultère, vol à mains armées, viol sur mineur, abus de confiance, escroquerie…), sauf en cas de flagrance où l’autorisation de poursuite est inopérante, le Ministère public demande l’autorisation de poursuite (et jamais ne demandera la levée des immunités ) pour ces infractions non couvertes par les immunités et commises en dehors de l’exercice des fonctions parlementaires.

Moralité, aujourd’hui, pour poursuivre l’honorable MATATA PONYO, il faut avoir à l’esprit que c’est un Sénateur porteur des immunités. Un Sénateur a son juge naturel et la procédure de le poursuivre est connue. Que viendrait faire dans cette affaire la procédure de poursuites d’un Premier ministre ? Un ancien Premier ministre n’est pas un Premier ministre en fonction.

Je crains que la fraude à la loi opérée lors de l’élaboration de la fameuse loi sur le statut des anciens Présidents de la République enchantent encore certains juristes imprudents. En droit positif congolais, il n’existe pas, dans le domaine de la loi, la possibilité de construire, au – delà de ce que prévoit la Constitution (Sénateur à vie ), un statut particulier pour un ancien Président de la République. Le domaine de la loi, hormis les lois dites organiques qui peuvent régenter les matières particulières, est limité exhaustivement (articles 122,123 et 124 de la Constitution). Nulle part, alors nulle part, vous lirez parmi ces dispositions ce qui : <<la loi organise le statut des anciens Présidents de la République…>>

Éric Bilale