Me ERIC BILALE SUR L’AUDIO DU PROF.KODJO SUR B-ONE TELEVISION

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*J’ai bien suivi l’audio du Professeur Kodjo sur B-one. C’est quand même pertinent que le Professeur reconnaisse que la dissolution relève du pouvoir discrétionnaire du Président de la République.*

*Je précise que la triptyque : crise – consultations – dissolution est considérer à juste titre.*

Si je suis d’accord sur une partie de la ligne, je peux cependant relever ce qui suit :

1. La crise persistante déclenche les consultations. Peu importe que les avis des autorités consultées aient proposé ou pas la dissolution, le Président de la République peut dissoudre. Les avis peuvent penser qu’il faut dissoudre, mais parce que le Président de la République en apprécie l’opportunité, il peut ou ne pas dissoudre (c’est la nature même du pouvoir discrétionnaire ) ;

2. Non, les autorités consultées sont sur un même pied/sur un pied d’égalité. Leurs avis sont recueillis par le Président de la République au moment des consultations (avis consultatifs) lesquelles interviennent au même moment. Il n’existe pas d’autres formes d’expression d’avis pour ses autorités consultées prescrites à peine de nullité que de proposer ce qu’elles pensent concernant la dissolution à l’arbitre qui les consultent, directement. Ces avis consultatifs sont a priori (avant la décision sur la dissolution ) et non a posteriori, c’est-à-dire aussi que *le schéma crise – consultations – dissolution* est de mise. Une autorité partie à la crise ne peut pas, en même temps, en être l’arbitre (juge et partie ? ). La consultation est une étape différente de la dissolution. Ce n’est pas parce que le Président a consulté qu’il va dissoudre, il peut ou ne pas prononcer la dissolution ;

3. Que la crise qui enclenche les consultation aux fins de la dissolution soit simple, comme en France, ou persistante comme en droit positif congolais, *l’unique juge d’appréciation reste et demeure le Président de la République.* Seule l’institution Président de la République peut en mesurer la teneur et en apprécier la persistance. Il n’y a aucun autre juge d’appréciation. Le simple fait que le Président de la République consulte ces autorités suppose, en droit, que la crise persistante a été par lui constatée ;

4. Cohabitation ou coalition, rien ne change en ce qui concerne ce pouvoir discrétionnaire indiscutable. Les autorités à consulter restent les mêmes (Premier ministre, les Présidents de deux chambres ) – bien que les avis consultatifs peuvent changer selon les circonstances (en cas cohabitation par exemple ) – le constatant de la crise, le consultant, l’arbitre et le décidant reste la même autorité (le Président de la République ). Il est important de repréciser que, autant le Président de la République apprécie la teneur de la crise qui le fonde à consulter, autant il apprécie les avis consultatifs du Premier ministre et des Présidents des deux chambres. Même si ces trois autorités sont unanimes pour la dissolution, étant donné que cela relève de son appréciation (pouvoir discrétionnaire), le Président de la République peut aussi refuser de dissoudre (pouvoir discrétionnaire). De la même manière que, dans un autre cas de figure sur lequel je vais revenir, il peut s’empêcher de déclarer la guerre malgré l’avis existant du Conseil supérieur de la Défense et la loi d’autorisation prise par le parlement et par lui promulguée ;

*5. À propos du contreseing du Premier ministre et de l’article 79 al. 4 de la Constitution.* Il est important que l’on évite de chercher à trahir l’esprit du Constituant. Je voudrais insister ici de sorte que soit éloignée la tentative d’édulcoration des sens. Seules les ordonnances qui ne relèvent pas du *pouvoir discrétionnaire* du Président de la République peuvent faire l’objet de contreseing du Premier ministre. Le Pouvoir discrétionnaire n’est pas une expression sorcière. *Ça signifie simplement que l’autorité peut apprécier le moment et l’opportunité de décider dans tel ou tel autre sens.* Toutes les ordonnances des articles 78 al. 1er, 80, 84 et 143 relèvent aussi du pouvoir discrétionnaire du Président de la République, je le dis bien : (a) nomination du Premier ministre par exemple. Quelle que soit la tendance de la majorité ou les résultats des législatives (cohabitation ou pas ), le Président de la République a son pouvoir d’appréciation sur quelle personnalité nommer Premier ministre au sein de la majorité parlementaire. Il peut donc jouer autour de plusieurs noms ; (b) le Président de la République apprécie l’opportunité d’investir tel ou tel autre Gouverneur. Il peut se refuser de le faire dans le délai constitutionnel et ce, sans conséquence juridique, considérant que c’est *un pouvoir discrétionnaire.* Nous avons le précédent en droit constitutionnel appliqué congolais, en 2006, le Gouverneur José Makila n’a pas été investi. C’est un pouvoir discrétionnaire du Président de la République donc, on y peut rien ; (c) malgré le fait que la patrie peut avoir des mérites, des héros dans l’ombre, dans son pouvoir d’appréciation, le Président de la République peut conférer à qui il veut un quelconque grade aux ordres nationaux. On peut être un congolais ayant 500 médailles olympiques, tant que le Président de la République ne décide pas de vous intégrer dans les ordres nationaux, c’est son pouvoir discrétionnaire ; (d) après avis consultatif du Conseil supérieur de la Défense et la loi d’autorisation, le Président de la République declare la guerre. Le Constituant ne lui donne aucun délai pour prendre l’ordonnance de déclaration de guerre. Pour déclarer la guerre, malgré l’avis consultatif (favorable ou non à la guerre) existant du Conseil supérieur de la Défense et la loi d’autorisation prise par le parlement, le Président de la République peut prendre le temps d’apprécier l’opportunité et le moment de déclarer la guerre. Il peut prendre un longtemps pour se décider. C’est un pouvoir discrétionnaire donc.

▪En clair, nous l’avons déjà dit. Les ordonnances qui appellent contreseing sont de deux sortent : les règlements et les actes individuels qui engagent les finances publiques, tous ne relevant pas du pouvoir discrétionnaire du Président de la République, c’est-à-dire les actes qui relèvent de la compétence liée du Président de la République (cette compétence est liée à un avis conforme ou contraignant d’un organe ) : par exemple, la nomination et la révocation des ambassadeurs (a); des officiers généraux et supérieurs des forces armées… (b)…lire l’article 81[ compétence liée à l’avis contraignant du Gouvernement ] ; nomination et révocation des magistrats, article 82 [ compétence liée au Conseil supérieur de la magistrature ]…

▪Ce qui est très pertinent, c’est que dans chacune des dispositions touchant aux ordonnances qui appellent contreseing, il est toujours précisé, in fine (à la fin ), que les ordonnances intervenues en cette matière sont contresignées. Ce qui n’est pas le cas pour les articles 79 al.1er, 80, 84, 143 et 148.

▪Une seule disposition constitutionnelle ne peut tout dire. Le Constituant est perfectible. Il y a ce que l’on appelle en sciences juridiques *<<les indéterminations constituantes involontaires>>*, c’est-à-dire qu’étant faillible, le Constituant peut omettre de préciser certaines choses. Ces indéterminations sont appelées à être comblées par la pratique institutionnelle (les institutions de la République, dont le Président de la République ) conforme à l’esprit du Constituant [Lire à ce propos Hans Kelsen, _Théorie générale de la norme_ ]. Je n’irai pas trop loin bien que je peux en ressortir une dizaine de cas, *l’alinéa 4 de l’article 79 de la Constitution est loin d’être suffisant.* Sa compréhension appelle une analyse systémique, profonde, intégrale et combinée des articles 80, 81, 82, 84, 86 (143) et 148. *L’on constatera que bien que les cas des articles 86 et 148 ne sont pas concernés par le contreseing, l’article 79 ne les a pas cités expressément. En sus, nous n’avons pas à faire du fétichisme juridique en se cantonnant sur des positions simplistes. Relevant du pouvoir discrétionnaire du Président de la République, l’Ordonnance sur la dissolution de l’Assemblée nationale ne peut faire l’objet d’aucun contreseing.*

Me ERIC BILALE