En moyenne, 45 éléphants sont quotidiennement tués dans au moins, deux réserves africaines sur cinq qui les protègent. Conséquence, le trafic de l’ivoire prend de l’ampleur, selon un rapport conjoint de quatre organisations internationales dont la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction (CITES), l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le réseau de surveillance du commerce des espèces sauvages (TRAFFIC).
« Les réseaux criminels organisés profitent de la crise du braconnage des éléphants et opèrent avec une relative impunité sans crainte de poursuite judiciaire », a déclaré Tom Milliken, un expert du commerce de l’ivoire à TRAFFIC.
Du coup, le trafic illégal d’ivoire en Afrique qui menace la survie des éléphants est concentré sur l’Afrique Centrale, l’Afrique de l’Est ; et l’Afrique de l’ouest reste la plaque tournante où les tonnes d’ivoire traversent à 85% : direction la Chine, selon Allan Thornton, président de l’ONG, Environmental Investigation Agency.
La volonté de sauver les éléphants est devenue un enjeu de sécurité, puisque l’ivoire peut jouer un rôle dans les conflits en Afrique. « Comme les diamants du sang de la Sierra Leone ou les minerais pillés du Congo, l’ivoire semble être la dernière ressource du conflit en Afrique, arraché dans des zones de bataille reculées, facilement monnayable et qui alimente aujourd’hui les conflits aux quatre coins du continent », a souligné Jeffrey Gettleman, journaliste, spécialiste de l’environnement.
Les défenses d’éléphants sont très prisées en Extrême-Orient, notamment en Chine, au Viet Nam, aux Philippines et en Malaisie, où elles sont utilisées comme objets décoratifs et religieux. Pour beaucoup, la demande ne pourra que progresser en raison de l’essor économique de ces pays.
Aussi, les saisies massives d’ivoire suite à des opérations d’arrestations, dont celles du réseau EAGLE, ne dissuadent pas ni les braconniers et les trafiquants des grands réseaux. Selon les recherches d’Eléphants in the Dust, les grands acheminements d’ivoire, qui comprennent des défenses de centaines d’éléphants expédiées d’une seule traite, indiquent « une mainmise croissante des réseaux criminels extrêmement organisés » sur le trafic d’ivoire.
« Ces réseaux criminels agissent avec une relative impunité, presque rien ne permet d’affirmer qu’ils sont activement arrêtés, poursuivis ou condamnés », précise un rapport de Wildlife. De plus, la prépondérance des marchés d’ivoire non réglementés dans de nombreuses villes africaines, associée au nombre croissant de ressortissants asiatiques résidant en Afrique, favorise le développement du commerce illégal de l’ivoire à l’extérieur du continent.
En mars de cette année par exemple, les agents de l’Office Central de Répression du Trafic Illicite de Drogue et du Blanchiment (OCRTIDB) appuyés par le Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF) en collaboration avec EAGLE-Togo ont procédé à l’interpellation de quatre présumés trafiquants le 10 mars 2023, au moment où ils s’apprêtaient à conclure la vente de sept grosses défenses d’éléphants. Une perquisition immédiate au lieu de stockage de ces produits illicites, a permis de saisir douze autres grosses défenses d’éléphants, dont cinq sculptées et polies, deux petites pointes d’ivoire, treize statuettes en ivoires, un collier en ivoire, deux peaux de félins dont le lion, deux mandibules qui semblent être celles d’être humain et une tête de phacochère.
De même, l’ONG anti-braconnage Conservation Justice qui a aidé la police locale à traquer les trafiquants dans le centre-ouest du pays. L’ivoire estimé à 62 millions de FCFA devait être acheminé vers le Cameroun pour finir sur le marché asiatique. Au total 120 kg d’ivoire d’éléphants en plus de 18 munitions de calibre 458 ont été saisis après une minutieuse et longue fouille du véhicule des trafıquants présumés par les éléments de la police .Ces derniers étaient en partance pour les villes frontalières avec le Cameroun voisin, un pays de transit pour l’ivoire en destination de l’Asie.
L’Afrique du Sud comprend toujours la majorité des éléphants d’Afrique, avec près de 55 % des éléphants connus sur le continent. L’Afrique de l’Est en compte 28 %, et l’Afrique centrale 16 %. En Afrique de l’Ouest, moins de 2 % des éléphants connus du continent se répartissent dans 13 pays.
La pauvreté et la faible gouvernance, ainsi que la demande d’ivoire illégal dans les pays consommateurs sont trois facteurs clés que l’on peut lier à des niveaux plus élevés de braconnage. Les chiffres totaux du braconnage sont plus faibles en 2013 qu’en 2012 et 2011, mais continuent à dépasser les 20 000 éléphants. Selon un récent rapport de WWF, de tels niveaux de braconnage mènent à un déclin continu de la population globale de l’éléphant d’Afrique.
Pourtant les éléphants d’Afrique jouent un rôle clé dans les écosystèmes et les économies. Les nouvelles évaluations publiées aujourd’hui par la Liste rouge de l’UICN des deux espèces d’éléphants d’Afrique soulignent les pressions persistantes auxquelles sont confrontés ces animaux emblématiques. « Nous devons, de toute urgence, mettre un terme au braconnage et veiller à ce que suffisamment d’habitats convenables soient conservés pour les éléphants de forêt et de savane. Ces dernières années, plusieurs pays africains ont montré la voie à suivre, démontrant qu’inverser la tendance du déclin des éléphants est possible. Nous devons travailler ensemble pour que leur exemple puisse être suivi. », a déclaré, le Dr Bruno Oberle, Directeur général de l’UICN.
Malgré la tendance globale à la baisse des deux espèces d’éléphants d’Afrique, les mesures de lutte contre le braconnage sur le terrain, associées à une législation plus favorable et à une planification de l’utilisation des terres visant à favoriser la coexistence entre l’homme et la faune, ont été essentielles aux succès pour la protection des éléphants.
La clé pour mettre fin à ce commerce illégal serait d’appliquer la législation déjà existante surtout que le commerce de l’ivoire est bien considéré comme illégal. Renforcer aussi la collaboration entre chaque pays pour anticiper la dynamique illicite commerce de l’ivoire.
La lutte pour la protection des espèces (faune et flore) est désormais aussi une lutte pour les droits humains, car le démantèlement des réseaux criminels de trafic illicite d’ivoire n’aboutira que si les problèmes de connivences de haut niveau et de corruption sont traités.
Rappelons que sur l’ensemble du continent, le braconnage s’est imposé jusqu’à provoquer une baisse fulgurante du nombre d’éléphants d’Afrique. Entre 2003 et 2020, la CITES a enregistré 22.015 déclarations de carcasses d’éléphants dans 66 aires de répartitions différentes. (EAGLE-Togo/septembre/2023).
Journaliste, Maître en Communication
Directeur Aspamnews, DP “Le Nouvelliste”